Le Brésil lance un programme de lutte contre la déforestation avec les municipalités d’Amazonie

Résultats & impact 2 mai 2024
Les 8 et 9 avril, Brasília accueillait un moment historique pour la gouvernance des territoires amazoniens : la signature entre le gouvernement fédéral et les communes d’Amazonie d’un programme pour la protection des forêts et le développement de ces territoires. René Poccard-Chapuis, géographe du Cirad, était invité à cet événement aux côtés des représentants de deux municipalités associées au projet TerrAmaz. Le niveau municipal est désormais reconnu comme incontournable pour obtenir des impacts effectifs sur le terrain.
© R. Poccard-Chapuis, Cirad
© R. Poccard-Chapuis, Cirad

© R. Poccard-Chapuis, Cirad

Le programme Union avec les municipalités est piloté par le ministère de l’Environnement brésilien (MMA). Il définit des actions en faveur de 70 municipalités prioritaires, identifiées pour leur niveau élevé de déforestations et dégradations forestières sur l’année de référence 2022. En pariant sur l’équipement et les incitations aux municipalités, le programme instaure de nouveaux outils pour atteindre ses objectifs de zéro déforestation illégale d’ici 2030, de réduction des incendies et dégradations forestières, et de qualité de vie pour les populations locales.

Le programme allouera aux municipalités qui s’engagent, un montant total de 740 millions de reais (133 millions d’euros), dont 600 provenant du Fonds Amazonien, le principal instrument financier régional, alimenté par des fonds internationaux. Sur les deux prochaines années, ce montant permettra de mettre en œuvre plusieurs actions comme l’accélération de la régularisation environnementale et foncière, la lutte contre les incendies, la levée des embargos, l’encouragement de la récupération de la végétation native, le financement d’activités productives durables, ou encore l’équipement et la modernisation de « bureaux de bonne gouvernance » dans les mairies.

Une nouvelle stratégie, prenant en compte la diversité des attentes en Amazonie

Le niveau municipal, jusqu’à présent parent pauvre des politiques amazoniennes, est désormais considéré comme incontournable pour l’engagement des populations amazoniennes, et pour obtenir des impacts effectifs sur le terrain. Le renforcement des institutions territoriales devient par ce programme une action structurante pour réduire la déforestation dans les communes prioritaires.

« La ministre de l’Environnement brésilien, Marina Silva a aussi souligné lors de cet événement l’importance d’une bonne cohabitation au sein des territoires entre les différents types d’acteurs tels que les grands agriculteurs, les éleveurs, l’agriculture familiale, les pêcheurs et les populations autochtones. Organiser cette cohabitation est la seule voie pour répondre au mieux aux attentes des différents groupes », indique René Poccard-Chapuis. « C’est exactement ce que le projet Paragoclima, dans la commune de Paragominas, cherche à faire, en donnant une voix à tout le monde, et en cherchant à inclure tout le monde dans les instruments de gouvernance. »

De gauche à droite René Poccard-Chapuis, géographe au Cirad, Marina Silva, la ministre de l’Environnement du Brésil et Weliton Santos Porto, le secrétaire à l’environnement de Rondon do Pará.

De gauche à droite René Poccard-Chapuis, géographe au Cirad, Marina Silva, la ministre brésilienne de l’Environnement du Brésil et Weliton Santos Porto, le secrétaire à l’environnement de Rondon do Pará.

Paragominas, une municipalité pionnière dans la lutte contre la déforestation

Pourtant deuxième déboiseur en 2008, la municipalité de Paragominas a été la première à quitter la liste des municipalités déboisant le plus en Amazonie, en 2011, grâce à son programme municipal innovant Municípios Verdes (Municipalités vertes). Si Paragominas a réintégré la liste prioritaire en 2023, ce n’est pas lié à une déficience de la gouvernance locale, mais bien à l’établissement de nouveaux critères et modes d’analyse par le ministère. Ils incluent en particulier les dégradations provoquées par l’industrie du bois et les incendies, eux-mêmes liés au phénomène climatique El Niño. Prendre en compte la dégradation forestière avait été pointée par le Cirad comme une piste d’amélioration des politiques forestières.

Depuis 2020, la municipalité est l’un des cinq territoires pilotes du projet TerrAmaz avec lequel elle développe un plan d’intelligence territoriale permettant une synergie entre progrès économiques, sociaux et environnementaux. S’inspirant de ces progrès et résultats, la municipalité lance en avril 2023 son projet ParagoClima qui a pour mission d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2030. L’objectif est de s’appuyer sur les avantages comparatifs de l’Amazonie pour les activités bas-carbone, dans le champ de l’agriculture durable et de la foresterie en particulier, pour générer une nouvelle dynamique de développement territorial, plus durable. Le Cirad compose, avec la mairie, le groupe de coordination responsable de l’exécution de ce projet.

Toutes ces actions ont permis à Paragominas d’être proactive dans l’élaboration de ce nouveau programme Union avec les municipalités. De nombreux échanges ont eu lieu avec le Secrétariat extraordinaire pour la lutte contre la déforestation et l’aménagement du territoire (SECD) du MMA, au cours desquels la commune a pu insister sur l’importance de promouvoir un développement à faible émission de carbone, et non pas uniquement la protection des forêts. Ces divers échanges et événements ont d’ores et déjà contribué à définir les critères et contours de ce nouveau programme de lutte contre la déforestation illégale en Amazonie.

Paragominas continuera à dialoguer avec le SECD pour améliorer le programme, et avec les mairies amazoniennes pour qu’elles parviennent mieux à construire des projets de développement en phase avec la protection des forêts. Les critères d’entrée et de sortie de la liste doivent être mieux discutés, notamment en ce qui concerne les feux de forêt, et la commune se consacrera à cette tâche. De plus, René Poccard-Chapuis a coordonné un rapport qu’il a remis au SECD qui analyse la déforestation dans l’ensemble du biome amazonien, par commune, et fait des suggestions pour adapter les politiques fédérales aux situations particulières des grands types de communes en Amazonie.